La Galleria Nazionale d'arte moderna e contemporanea GNAM) est le musée d'art moderne de Rome. Créée en 1883, installée en 1915, au milieu des jardins de la Villa Borghèse, dans un  batiment conçu par Cesare Bazzani,  à l'occasion de l'exposition de 1911, qui célébrait le cinquantenaire de l'unité d'Italie.  Elle possède une magnifique collection couvrant la création internationale de 1840 à 1970 environ. Ce qui frappe, ce sont les dimensions de ses sallles, leur hauteur, l'espace qu'elles offrent aux oeuvres. Le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris est le seul batiment qui peut évoquer cette grandeur.

C'est dans ce cadre, sans équivalent, que le musée a programmé une exposition entièrement consacrée à la sculpture céramique contemporaine italienne. Environ 200 oeuvres, 3 pièces de chacun des 63 artistes présentés, ainsi qu'un hommage à Leoncillo, dans environ 2000 m2. Il est exceptionnel de découvrir un tel ensemble servi par un cadre de cet ampleur. Les oeuvres respirent. La circulation est aérée. La céramique est traitée en oeuvre d'art.

Les oeuvres exposées donnent un large panorama de la création italienne, de l'après guerre à nos jours. Elles en montrent la richesse et la diversité. Elles témoignent aussi de la place de la céramique dans la sculpture italienne qui s'inscrit dans  une tradition millénaires. La plupart des oeuvres sont de grandes dimensions. Le musée d'art moderne n'est pas loin de la Villa Giulla, musée étrusque qui renferme les chefs d'oeuvres monumentaux, en terre cuite. A Rome, l'histoire n'est jamais loin.

Les commissaires de l'exposition étaient Mariastella Margozzi, historienne d'art et Nino Caruso, sculpteur et céramiste lui-même.

la présentation de l'exposition

L'exposition, née d'une idée de l'artiste Nino Caruso, veut présenter, pour la première fois dans les salles de la Galerie nationale d'art moderne et contemporain, le panorama de la sculpture céramique italienne des années cinquante à aujourd'hui, en exposant plus de soixante artistes, de différentes  générations, qui se sont dédiés exclusivement à ce medium d'ancienne tradition. Au-delà du fait de décorer des objets de la vie quotidienne, les céramistes artistes contemporains ont abordé la matière terre, avec  de nouvelles  expérimentations techniques et formelles, conduisant cette discipline à rivaliser avec la sculpture plus traditionnelle en pierre, marbre ou bronze. Les innovations techniques et esthétiques dont les artistes représentés ont enrichi la sculpture céramique sont d’une grande portée et témoignent de l'actualité et de la vitalité d'une tradition ancienne. La créativité, associée aux choix des matériaux et des modalités de cuisson et à des idées iconographiques et stylistiques originales, distingue chacun des artistes qui exposent et témoigne aussi, d’une évolution générationnelle capable d'insérer pleinement ce  langage dans le domaine complexe et polymorphe de l'art contemporain.

Le panorama de la sculpture céramique est en Italie très vaste et réunit des artistes de premier plan. La première génération de céramistes sculpteurs s'est formée en Italie en assimilant les enseignements d'Arturo Martini, Lucio Fontana et  Faust Melotti, et surtout en tirant les leçons du grand innovateur que fut Leoncillo Leonardi. A Leoncillo dont nous célébrons cette année le centenaire de la naissance, l'exposition veut rendre hommage en exposant des œuvres acquises par la Galerie nationale, des années 40 aux années 70, de façon à reconnaitre son activité exceptionnelle.

 Les artistes présents dans l’exposition, chacun avec des œuvres représentatives de son activité de sculpteur-céramiste sont:

Attilio Antibo, Lee Babel, Luigi Belli, Riccardo Biavati, Nicola Boccini, Federico Bonaldi, Silvia Celeste Calcagno, Carlos Carlè, Nino Caruso, Andrea Caruso, Pino Castagna, Tonina Cecchetti, Fausto Cheng, Eraldo Chiucchiù, Antonella Cimatti, Salvatore Cipolla, Claudio Cipolletti, Elettra Cipriani, Giorgio Crisafi, Mirco De Nicolò, Guido De Zan, Tristano Di Robilant, Fabrizio Dusi, Yvonne Ekman, Marco Ferri, Marino Ficola, Candido Fior, Goffredo Gaeta, Emidio Galassi, Alfredo Gioventù, Luigi Gismondo, Antonio Grieco, Annalisa Guerri, Nedda Guidi, Luciano Laghi, Alfonso Leoni, Adriano Leverone, Massimo Luccioli, Giuseppe Lucietti, Mirna Manni, Guido Mariani, Salvatore Meli, Alberto Mingotti, Rita Miranda, Riccardo Monachesi, Simone Negri, Martha Pachon Rodriguez, Fiorenza Pancino, Luigi Pero, Pompeo Pianezzola, Jasmine Pignatelli, Graziano Pompili, Paolo Porelli, Aldo Rontini, Gabriella Sacchi, Ivo Sassi, Giancarlo Sciannella, SPROUT (Denis Imberti e Stefano Tasca), Enrico Stropparo, Alessio Tasca, Panos Tsolakos, Nanni Valentini, Cristiana Vignatelli Bruni, Carlo Zauli.

texte de présentation par la Galleria d'arte moderna  e contemporanea , traduction libre.

Leoncillo (1915-1968)

Leoncillo Leonardi dit Leoncillo, né à Spolète en 1915 et mort à Rome en 1968, est considéré comme l'un des grands  sculpteurs  de l'après-guerre. Très engagé dans les combats de son époque, antifasciste et proche du parti communiste jusqu’au milieu des années 50, il  appartient à la génération de la révolte. Sur le plan formel, il se détacha  de l’académisme de ses débuts pour se lancer, dès les années 50, dans un travail de la matière, en écho avec le cubisme et l’abstraction, qui possède aujourd’hui encore un caractère innovant. Spolète, sa ville natale, lui a consacré une exposition monumentale, un an après sa mort.

des commentaires à discuter et compléter

La sculpture céramique est le thème de cette exposition. Elle y est souveraine. Elle y règne naturellement. La forme et l’expression plastique sont au cœur des œuvres présentées. La matière n’est pas absente. Il s’agit bien de céramique. On y retrouve sa sensualité, sa plasticité, le lien qu’elle communique avec un composant fondamental de l’univers. Mais, l’expression domine la technique, les processus de fabrication et les couvertes. C’est bien le projet expressif qui anime la créativité des artistes. Un tel ensemble étonne, par le nombre des exposants, mais aussi par l’évidence du choix de la sculpture. Sans doute, trouve-t-elle ses racines et sa légitimité dans l’histoire de l’art italien, des Etrusques à Fontana. Pourrait-on présenter une exposition équivalente en France ? Avec la même force ?

L’abstraction et des compositions s’apparentant à des installations figurent parmi les principaux courants présents dans l’exposition. Peut-on, pour autant, parler d’Arte Povera ? Pas seulement sans doute. Les œuvres figuratives sont minoritaires. Les installations y reviennent de façon indirecte, plus par le discours ou l’évocation que par la représentation de la figure humaine.

Les exposants couvrent plusieurs générations. Les dates de naissance s’étalent des années 20 aux années 70. Nino Caruso, commissaire de l’exposition et exposant lui-même, est né en 1928. Quelques artistes ne sont plus de ce monde,  Salvatore Cipolla, Alfonso Leoni ou Salvatore Meli. Toutefois, la plupart des œuvres présentées sont récentes et ont été réalisées au cours des 15 dernières années. L’exposition est plus représentative du début du 21^e siècle qu’un rétrospective des 50 dernières années.

Ces artistes sont peu connus en France. La  plupart ont eu une carrière essentiellement italienne. Certains ont eu des parcours hors de l’Italie, comme Carlo Zauli (1926-2002) mais rarement en France. Tout se passe comme ci, les deux mondes, italiens et français, pourtant si proches par la géographie et l’histoire de l’art,  s’ignoraient dans le domaine céramique. Cela rejoint le constat plus général de la faible internationalisation   de l’art céramique. Il reste beaucoup à faire pour franchir les frontières. La présentation  de cette exposition en France aurait été une belle occasion.  

L’exposition est accompagnée d’un catalogue, qui comporte les biographies de tous les artistes. Mais ce catalogue est uniquement en italien et les informations en français sont rares.  C'est dire que mes commentaires restent extérieurs à cette histoire, découverte récemment grâce à la visite de cette exposition, et ne demandent qu'à être débattus, complétés, contredits même.

J’ai réuni, ci-dessous, quelques photos de l’exposition qui donne une idée de sa diversité.

Bernard Bachelier

Je serais très heureux que les lecteurs de ces commentaires fassent part de leur avis, et apportent des complément d’informations. C’est une bonne occasion de mettre en commun ce que nous savons sur ces artistes et ce que nous en pensons. Chers amis, à vos claviers….

deux maitres : Alfonso Leoni et Carlo Zauli

Alfonso Leoni né à Faenza en 1941. Il y est mort de leucémie  à 39 ans en 1980. Il a fait ses études à l'Art Institute Ballardini, où, il est devenu professeur d'arts plastiques. Il a été proche d'Angelo Biancini et du potier Manlio Tassinari. Il a beaucoup voyagé notamment aux Etats Unis. Il a expérimenté différents matériaux. Il est  resté fidèle à la céramique mais il a contribué à sortir la production céramique de l'approche tradionnelle et étroite, telle qu'elle était pratiquée à Faenza à cette époque. Designer, il a travaillé pour Villeroy et Boch. En 1976 Alfonso Leoni a fait partie du  groupe de sculpteurs céramistes, présenté dans  le film "Terra Viva.Sculpture céramique italienne dans les années soixante ", du réalisateur Aldebrando De Verod dans lequel figurait aussi Carlo Zauli.

Carlo Zauli ( 1926-2002) est aussi un céramiste de Faenza où il est né. Sa formation le destinait à être un potier de la majolique. Mais dans les années  50, il rompt avec la tradition, expérimente le grès et se lance dans la sculpture.Carlo Zauli est  influencé par les artistes européens, comme Miro mais aussi fasciné par le Japon où il expose à partir de 1964. Durant les années 70 et 80, son influence s'accroit au Japon, mais aussi en Amérique du Nord. Le musée d'Art moderne de Tokyo lui consacre une rétrospective en 2008. Un musée lui est consacré à Faenza.

Giancarlo Sciannella

Giancarlo Sciannella est né en 1943 à Castelli, dans la province de Teramo et la région des Abruzzes. Castelli est un village célèbre pour ses majoliques du 16^e  au 18^e siècle. Le grand père de Giancarlo Sciannella était potier. C’est dans ce contexte, historique et familial, qu’il entre  à  l'Institut d'art céramique « FA Grue » de Castelli, qui, tout en s’inscrivant dans la riche tradition locale, explore les nouvelles voies d’expression contemporaine. D’ailleurs, le musée, créé en 1986, accueille une collection internationale d'art contemporain de céramique. Puis, il suit les cours de Franco Gentilini à l’Académie des Beaux Arts de Rome. Il s’intéresse, quelques temps, à la peinture puis, dès les années 60, s’engage dans la sculpture. Il sera sculpteur, sculpteur de l’argile. En 1972, il s’installe à Rome où il réside toujours. L’œuvre de  Giancarlo Sciannella s’inscrit dans l’histoire culturelle italienne. Il puisse des références dans la mythologie grecque et romaine, comme en témoigne l’installation présentée à l’exposition, intitulée Enée, qui évoque les aventures du héros de la guerre de Troie chanté par Virgile. Son expression plastique met en exergue les spécificités du matériau. La terre reste toujours brute et le travail de surface en souligne la rugosité. Giancarlo Sciannella aime l’argile et il le montre. Les couleurs vont de l’ocre au noir qui garde la mémoire du feu, comme signal du processus de fabrication. Les compositions, le plus souvent abstraites, racontent une histoire ou évoque des objets, souvent archéologiques, comme les rouleaux de papyrus ou un paysage naturel, comme la forêt.

remerciements

Je voudrais remercier vivement Giovanni Carpentieri, sans lequel cette visite n’aurait pu avoir lieu, ainsi que ses amis Darnell Brenes et Sergio Macchioli. Giancarlo Sciannella qui nous a accompagné, en artiste, dans cette plongée dans la création italienne, m’a permis d’en mieux comprendre  les qualités. C’est grâce à  Keila Linguanti, régisseuse des expositions de la Galleria, que nous eûmes, lors de cette mémorable matinée de mai, un accès privilégié aux magnifiques salles. Je ne voudrais pas oublier notre ami Salvatore Parisi, qui a été le lien attentif, bien que lointain, entre nous. Que chacun trouve ici la marque de ma reconnaissance. Bernard Bachelier