A propos de l''exposition Formes Vivantes à Limoges

Marc Albergina

 

 

 

L'exposition Formes vivantes a été présentée au Musée Adrien Dubouché à Limoges

du 9 octobre 2019 au 10 février 2020

 

L'exposition telle que introduite pas le musée visait à mettre "en lumière la représentation du vivant dans l'art de la céramique de la Renaissance à nos jours. Au sein d'un parcours rythmé par un dialogue entre arts et sciences, elle montre les liens qui unissent une inspiration organique et une matière minérale. Des décors naturalistes de Bernard Palissy aux céramiques biomédicales imprimées en 3D, l'existence d'un lien spécifique entre la céramique et le monde du vivant sera mis en exergue par des oeuvres issues de collections patrimoniales, des créations contemporaines et des objets scientifiques".

Arnauld de L'Epine et Mathias Fyferling donnent ici leurs impressions

commentaire d'Arnauld de L'Epine

Nous venons de voir l'exposition "Formes vivantes" à Limoges. Jean-Charles Hameau et son équipe ont réalisé un travail important de recherche et de présentation dans le cadre d'une démarche qui néanmoins pose problème.

La notion de nature et de son observation pour analyser les formes du vivant n'est nullement adéquate de nos jours lorsque l'on connait les concepts d'organe exosomatique d'Alfred Lokta - cf. "Law off evolution as maximal principle,Human Biology",1945, de milieu selon Augustin Berque.

Les analyses se réfèrent à Descola, Prochianz, Changeux dont les positions respectives anthropologiques, scientifiques et sur l'art sont dépassées, ce qui explique probablement l'incomplétude de cette démonstration.

Celle-ci ne prend pas en compte les auteurs fondamentaux sur ces sujets dont les auteurs auraient dû aussi s'inspirer : Leroi-Gourhan - cf. Milieu et techniques et Le Geste et la parole - , Gilbert Simondon, du mode d'existence des objets techniques, seulement cité en appendice par Sophie Fétro p.182 -, Bernard Stiegler - cf. La Technique et le temps, et De la[ misère symbolique T.2 -,Tim Ingold - cf. Faire, p.164 : "cherchant[ à tenir à distance cela même sur quoi ils travaillent au moment même où ils y travaillent" - et semble-t-il peu influencés par Didi-Huberman , pourtant cité dans la bibliographie - cf. La] Ressemblance par[ contact, Archéologie, anachronisme et modernité de l'empreinte-.

Néanmoins, cette exposition nous a permis de voir un certain nombre d'oeuvres d'un grand intérêt : Palissy, celles de la période de l'Art Nouveau dont Gallé, puis Carriès, et un certain nombre d'oeuvres réalisées à la Manufacture de Sèvres rarement convaincantes, ainsi qu'au final celles réalisées par divers auteurs avec une imprimante 3D se voulant mimétiques de micro-organismes : celles-ci se révèlent froides et superficielles dans la mesure où le geste et le corps sont absents et ne permettent aucune sublimité; ces ouvrages se limitent à être un objet-design reproductible car elles ne peuvent être perçues en tant que "chose en mouvement" et se rapportant à un monde d'énergie, de flux et de forces.

Le catalogue est très réussi sur le plan formel; il contient, outre les textes de différents auteurs ayant collaboré pour cette exposition, des entretiens d'artistes dont Johan Creten, Michel Gouéry, Jean Girel révélateurs de leurs démarches respectives.


Nous n'avons pu assister au colloque intervenu une semaine auparavant où les questionnements ci-dessus ont peut-être été abordés,….. mais nous pourrons trouver d'ici quelque temps les actes sur le  site : openscience.fr./Arts-et-sciences en libre accès

Le 7 févr. 2020 à 22:34 Arnauld de L'Epine

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commentaire de Mathias Fyferling

Formes Vivantes... Il va y avoir du mouvement! En néophyte sans doute un peu naïf, mais avide de surprises, je me demandais comment mettre la céramique en mouvement. J'imaginais des mobiles, des systèmes de moulins, des balancements... Mais non, les pièces de l'exposition sont* communément statiques. Certaines cependant donnent l'idée d'un mouvement qui aurait été capturé sur l'instant, comme celles de Claire Lindner ou de Marc Alberghina. La photographie utilise le flou pour donner une idée du mouvement, mais on ne trouve pas de telles transpositions dans l'exposition.
 
Les œuvres présentées ont en commun d'être inspirées de formes vivantes, végétales, microbiennes, moléculaires, animales, humaines, ou chimériques. Le côté plutôt chronologique de l'exposition, de Palissy à l'imprimante 3D, m'a convaincu. J'ai été particulièrement marqué par le vase Viscère de Pierre-Adrien Delpayrat, et par Canis Lingua de Marc Alberghina (voir photo) dont l'aspect global plutôt vulgaire s'estompe en découvrant la subtilité du traitement de la surface. En fin de parcours des céramiques techniques sont également présentées, comme des prothèses en céramique capables d'être régénérées par le corps, ou des supports de corail, présentés dans un aquarium, utilisés pour réensemencer les fonds marins.
 
Si les œuvres réalisées à l'imprimante 3D laissent de marbre, le maillage PolyMorph de Jenny Sabin (voir photo) m'a touché, bien qu'il soit le fruit d'un ordinateur. Ce n'est donc jamais l'outil qui est à blâmer, mais bien la créativité et la sensibilité de celui qui s'en saisit. Une nouvelle voie est-elle ouverte?
 
Je garde de mon côté un très mauvais souvenir de la mise en lumière : les couleurs étaient souvent jaunes ce qui modifiait la perception des pièces, dans l'irrespect des artistes. Quant ce n'était pas l'ombre portée qui coupait la pièce en deux comme sur la boite grenouille de Jean Girel (voir photo) qu'il suffirait d'avancer de 5 cm pour pouvoir l'apprécier pleinement. Parfois la lumière était si faible qu'elle ne permettait pas d'apprécier l’œuvre, comme sur les pièces de Wayne Fischer ou celles de Claire Lindler (en bordure de la photo). Par chance les téléphones actuels corrigent la luminosité et les couleurs ce qui permet instantanément, à la japonaise, d'avoir une perception plus convaincante des pièces!
 
Des journées de conférence j'ai surtout retenu les interventions des céramistes : le parti pris de Jean Girel de ne plus toucher un pinceau mais de trouver dans le travail de l'émail le moyen d'exprimer le graphisme qu'il souhaite, en s'offrant la possibilité de pouvoir ouvrir ses fours à tout moment de la cuisson afin de comprendre ce qu'il s'y passe ; la sensibilité de Wayne Fischer face à un traitement du corps si poussé qu'il était possible de confondre dans les photographies qu'il nous présentait la matière humaine de la matière céramique !
 
Bonne visite à tous!
Mathias Fyferling
 
*l'exposition se conjugue au présent : elle est attendue à Sèvres.

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Commentaire de Christine Chelini | 03.04.2020

Merci de ce retour très interessant. Si nous pouvons voir cette exposition à Sèvres un jour, nous irons avec joie!

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