La céramique à la FIAC 2019
Grand Palais 17-20 octobre 2019
J’ai effectué ce reportage pour vous, membres du Club et visiteurs de ce site. Il n’est qu’une proposition qui ne prendra son sens qu’en fonction de ce que vous en direz. Il vise à ouvrir le débat. Le but de l’action bénévole est de trouver des échos. J’attends vos commentaires et vos réactions que vous pouvez mettre en ligne ci-dessous.
Le dossier comprend deux parties, le commentaire ci-après et le reportage lui-même avec les photos, accessible en cliquant sur le lien et placé dans la documentation générale du site.
Je rédige ce commentaire en confinement exigé par la crise du COVID 19. Il est difficile de s’abstraire des chiffres, des images et des menaces. Pourtant, se remémorer la visite à la Fiac 2019 en octobre dernier, n’est pas un dérivatif, c’est un exercice mental comme il y a des exercices physiques. De plus, j’avais décidé de renoncer à ce compte-rendu effectué depuis quelques années, puisque l’absence de réactions des membres et de commentaires de visiteurs du site m’avait convaincu que cela n’intéressait personne. J’en avais conclu que l’art contemporain n’intéressait pas les collectionneurs de céramique. J’en avais conclu que ce que je croyais un des objectifs majeurs du Club, à savoir considérer la céramique comme un art à part entière, n’était pas partagé par les amateurs de céramique et en tout cas, qu’essayer de comprendre les critères de reconnaissance par le monde de l’art ne leur paraissait pas une étape incontournable. La blessure provoquée par les réactions à l’exposition Céramix n’est pas cicatrisée. Elle se rouvre à la moindre alerte. Mais des amis se sont émus de l’absence de ce compte-rendu. J’avais gardé les photos. Il y avait comme un devoir inachevé. Voici donc ce reportage.
Le dossier rassemble les photos des œuvres qui m’ont le plus frappé.Il ne comporte pas d’éléments biographiques qui demandent un travail de recherche et de rédaction considérable. Il n’est pas exhaustif. Néanmoins, il donne un bon aperçu de la place de la céramique à la Fiac 2019.
Je souhaite apporter d’abord quelques commentaires généraux. La céramique figure à la Fiac dans les plus prestigieuses galeries, telles que Gagosian, Perrotin Gladstone, Pace, Karsten Greve. Les œuvres sont présentées à l’égal de la peinture. En arrivant dans le hall, on était ébloui par une œuvre murale de Rosemarie Trockel, mise en exergue comme une pièce muséale. Comme d’habitude, Fontana chez Karsten Greve, Creten chez Emmanuel Perrotin, Liz Larner chez Regent Projects. On retrouve Schütte, Barcelo, mais aussi Caroline Achaintre qui vient d’avoir une exposition au MOCO à Montpellier, Ricbard Fauguet, Arlène Shechet. Une découverte, pour moi, Linda Benglis peu connue me semble-t-il en France, mais artiste presque octogénaire reconnue aux Etats-Unis, plasticienne polymorphe dont les constructions de 1992 sont bien antérieures aux travaux des amis français du chaos. Son exposition rétrospective itinérante a été présentée en 2010 au Consortium de Dijon. Y avait-il des céramiques ? Qui l’a vue ?La surprise était provoquée par le jeune Bryan Rochefort que Louis Lefebvre a exposé à Paris en 2016 dans la plus grande indifférence. Je tiens aussi à citer deux galeries fidèles à des artistes pratiquant la céramique, Hervé Loevenbruck qui exposait cette année, des sculptures sur bois de Dewar & Gicquel et Sémoise qui présentait des dessins de Françoise Pétrovitch. Le panorama était large. Le monde de l’art s’intéresse à la céramique et pense qu’il y a des amateurs parmi les visiteurs de la Fiac.
Certes, les choix des galeries sont conditionnées par les prix, puisque les exposants doivent couvrir des frais considérables. Oui mais a contrario, elles donnent à la céramique la cote des Beaux-Arts. La Fiac n’est pas un label absolu ni incontestable, de reconnaissance artistique . Ce n’est qu’une photographie annuelle à un moment du marché et du goût. Rien de plus. Mais le fait que des galeries décident de présenter des céramiques, avec la perspective de trouver des amateurs et récidivent comme Regen Projects qui expose Liz Larner chaque année, est en soi, un signal riche d’enseignements. On rencontre les figures historiques et des valeurs sures, mais aussi de jeunes artistes qui viennent d’accéder à ce marche, tel Bryan Rochefort. Il faut s’interroger sur les raisons qui incitent les galeries à sélectionner un artiste. La valeur commerciale ne suffit pas puisqu’elle est elle-même le résultat de l’action du galériste.
Ces œuvres partagent une puissance expressive, une créativité, une façon d’incarner une idée dans le matériau, un dépassement de la matière. Certes, toutes les œuvres vues ne sont pas égales dans leur expression. Il y a du bon et du moins bon. De Barcelo, on connaît mieux Il faudrait voir plus de céramiques de Linda Benglis. La Vierge à l’Enfant de Fontana est une merveille de grâce et de mouvement. Mais dans la plupart des cas, il y a une forme, un vocabulaire, une écriture qui affirment leur appartenance au monde de l’artt. ( les avis du lecteurs sur cette question sont instamment attendus).
Quelques observations particulières maintenant. En pénétrant dans le Grand Palais, un choc attendait le visiteur. Il était accueilli, face à l’entrée par l’exceptionnelle œuvre de Rosemarie Trockel, sur la cloison extérieure de la Glastone Gallery, à coté du Soulages de la galerie Perrotin. Cette grande céramique murale, traitée comme un chef d’œuvre, offerte au regard des visiteurs, est bouleversante de construction, de mouvement, de portée symbolique, de modelage et d’émaillage. S’il avait été possible de l’emporter, la visite de la Fiac aurait pu s’arrêter là. Rosemarie Trockel très grande artiste allemande, admiratrice de Lucio Fontana mériterait d’être plus connue en France.
Quelques pas plus loin dans le carré central, l’immense stand de la galerie Gagosian reconstituait l’atmosphère de la Villa Santo Sospir décorée par Jean Cocteau lorsqu’il y séjournait à l’invitation de Francine Weisweiller. On y trouvait plusieurs céramique de Picasso dont une composition murale de 1960, présentée comme un tableau dans son cadre. Cette esthétique renvoie à joie de vivre sur la Riviéra après la guerre. Gagosian avait choisi de créer un cadre décoratif utilisant des meubles de l’époque. Art intégral ? Séduction de la nostalgie ? Quoiqu’il en soit, la céramique était aux premières loges. Gagosian est ouvert à la céramique comme l’a montré l’exposition en 2018 dans la galerie de Genève.
Et puis donc, les pots comme disent les Anglais, les pots baroques, exubérants, endiablés de Brian Rochefort chez Massimo De Carla. Cette galerie présentait déjà les vases décorés de Karin Gulbran l’an dernier. Brian Rochefort, né en 1985, vit et travaille à Los Angeles, en Californie. Sa biographie dit qu’il a participé à la résidence Lillian Fellowship à la Fondation Archie Bray en 2009 et oublie celle effectuée chez Louis Lefebvre en 2016. Beaucoup de ces artistes passent un jour ou l’autre en France. Nous devrions être plus attentifs.
Bernard Bachelier
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Commentaire de Fontaine Luc | 14.04.2020
Cher Bernard,
Merci de ce compte-rendu et surtout de la qualité des photos.
Je rebondis sur ton texte en relevant qu'à la Tefaf à Maastricht se dessine depuis 2-3 ans aussi un mouvement visant à montrer de la céramique contemporaine à la fois en accueillant de nouvelles galeries spécialisées mais aussi en exposant sur les stands des galeristes spécialisés en art contemporain.
Depuis près de 20 ans Adrian Sassoon était seul à montrer de la céramique contemporaine, des anglais bien sûr, en fait des anglaises, Kate Malone, Felicity Aylieff, Elisabeth Fritsch, l'australienne Pippin Drysdale, le japonais Takahiro Kondo. Il a été rejoint récemment par Jason Jacques de New York qui au-delà de sa spécialité de céramique française Art Nouveau, a exposé le danois Moorten Lobner Espersen,le finlandais Kim Simonson, la polonaise Aneta Regal, l'allemande Beate Kuhn, la belge Anne Marie Laureys, l'anglais Gareth Mason, la japonaise Katsuyo Aoki. Depuis 5 ans la galerie japonaise Fukuyu montre des céramistes et des verriers japonais. Mais ces deux dernières années, en dehors du secteur Design dans lequel nous verrons Thomas Fritsch exposé la céramique français des années 50 à 70, Jousse Entreprise montrant des pièces exclusives de Kristin Mac Kurdy, est venu Pierre-Marie Giraud pour lequel Jean Girel a réalisé une cuisson pour l'occasion.
A cela, surtout, s'ajoute le fait que des galeries d'art contemporain montrent désormais des céramistes en dehors de Picasso ou Lucio Fontana cantonné à ses Concetto Spazial. Cette année il y avait deux crucifix de Fontana, un beau vase et une extraordinaire danseuse. Mais on pouvait voir aussiplusieurs oeuvres de Creten, Schütte, Barcelo.
Réjouissons-nous de cette présence en espérant que ce n'est pas qu'une mode et que des céramistes français vivants trouveront une place.
Luc
Commentaire de Agam Marie | 13.04.2020
Merci Bernard pour cette présentation d'un moment d'exception. Beaucoup de noms inconnus de moi. Je vais grâce à toi combler quelques lacunes.
A très bientôt,
Marie Agaù
Commentaire de Nadja La Ganza | 12.04.2020
Merci cher Bernard d'avoir pu dépasser tes frustrations passées et légitimes pour nous offrir ce cadeau de voyage culturel que tes mots et images nous exposent avec verve et talent comme tu sais bien le faire, et cela nous est utile et nous conforte dans notre aptitude à regarder ce qui est nouveau, ...
Je n'ai pu aller à la FIAC 2019 et je suis ravie que le céramique ait de plus en plus une place assumée par les galeries , et de voir que des artistes comme Bryan Rochefort ,dont l'exubérance quasi outrageuse vienne titiller nos sensibilités européennes, cela m'enchante, je le suis depuis des années sur Instagram( sous le nom energygloop) et je me demandais comment il serait "réceptionné" en France...Même si j'ai parfois quelques réserves sur le côté systématique de ses effets de protubérances d'émaux...
Mes amitiés à tous les ceramophiles!
Nadja
Commentaire de Chambost Philippe | 12.04.2020
Bonjour à toutes et tous. Vraiment un grand merci. Un choix parfait sur un texte approprié. J’en ai pris plein les yeux, comme si j’y étais. Fontana, une fois de plus, pour moi, est sublime et le buste de Barcelo est à tomber. Que des pièces puissantes ce qui n’est pas toujours le cas à là FIAC. J’ai parfois été bien déçu. Vraiment à renouveler car nous ne pouvons pas être partout et cela risque fort de se confirmer à l’avenir. PC
Commentaire de Bernard Bachelier | 12.04.2020
film passionnant ce matin sur Arte, d'Annnette Messager, racontant la préparation du pavillon français de la Biennale de Venise de 2005 pour lequel elle a reçu le Lion d'O. Elle avait invité plusieurs artistes femmes dont Linda Benglis et Aline Szapocznikow. Des petits films en français présentaient les artistes. Trop courts mais rares éclairages. Or l'une et l'autre ont pratiqué la céramique dans un esprit d'expérimentation des matériaux. Aline Szapocznikow est soutenue en France par la galerie Loevenbruck qui l'a présentée plusieurs fois à la Fiac. On pouvait voir Linda Benglis cette année Il existe un catalogue de Linda Benglis aux Presses du Réel qui est aussi le catalogue de l’expo du Consortium paru en français en 2010 mais qui est épuisé. Elle avait eu une expo monographique en 2009 au New Museum de NY. Ce que ces artistes peuvent nous dire des raisons pour lesquelles, elles abordent la céramique, ce qu'elles y cherchent, ce qu'elles y trouvent, doit nous aider à mieux comprendre le pouvoir artistique de la céramique, à construire une interprétation critique de l'art céramique. Nous manquons, hélas, de documentations, notamment en français. Qui en a ?
Commentaire de Coffignier | 01.04.2020
Bernard bravo pour ce temps précieux que tu nous consacres je suis d accord que peu d amateurs de céramiques portent un regard sur d autres arts peut être n est il pas obligatoire de nommer en permanence soulages par ce qu il y’a un tableau sur un stand à la Fiat je trouve cela réducteur pour la céramiste exposée ce qui n enleve rien à la grande qualité de l œuvre soulages continuons ces échanges dans cette période si terrible amitiés à tous Dominique
Commentaire de Denoit Nicole | 30.03.2020
Merci beaucoup pour cette riche évocation d’une édition de la FIAC que j’ai manquée.
Une occasion d’aller revoir sur internet des images de ces artistes. C’est le moment . Nous en avons le temps...
Commentaire de Christine CHELINI | 30.03.2020
Merci beaucoup Bernard, de nous avoir envoyé tous ces retours des différentes manifestations de ces derniers temps, mettant en exergue des œuvres remarquables!
Cela m’aura, entre autres, permis de faire la découverte d’ un artiste étonnant à travers juste un bol...
Je veux parler de ce contenant de Bryan Rochefort, que j’ai, à vrai dire, trouvé pour le moins, extraordinaire!
Tous ces reliefs, matières surgissant de la matière, posés avec justesse et brio, dans un éblouissant jeu de couleurs!
Doublement merci!
Christine Chelini
Commentaire de caméo | 30.03.2020
Merci Bernard pour ce résumé parfait qui montre l'intérêt du marché de l'art pour la céramique et égaye le confinement des collectionneurs !
A très bientôt
David
Commentaire de Irène Galitzine | 30.03.2020
Merci pour ce reportage, riche en références et apparemment plein de bonnes surprise. Je poursuivrai la visite sur "la toile" pour découvrir ces "cérartistes".
Je ne vais jamais à la FIAC. Je vais peut être y faire un tour l'année prochaine! Merci.
Commentaire de meynet Michel et Denise | 30.03.2020
Waouh! On vient de passer une heure sur Internet pour décrypter ta nouvelle liste de noms. On a tout particulièrement retenu Linda Benglis, quelque part entre John Chamberlain et Patrick Loughran, par goût personnel, et Richard Fauguet pour le genre Ovni qui semble appelé à se développer : il y tout un tas de petits personnages entre BD et Street Art chez Lefebvre en ce moment... Quant à Brian Rochefort, on pleure des larmes de sang car on l'a découvert trop tard : Lefèbvre l'a présenté, mais mal vendu et maintenant il est inaccessible et pas du tout intéressé par les parisiens qui l'on boudé.
Bref, la céramique est un grand sujet de frustation mais on adore tes chroniques FIAC et on attend le mois d'octobre avec impatience. D+M
Commentaire de Alain Cervantes | 30.03.2020
Merci Bernard pour ce voyage ; je n’avais pas eu l’occasion de visiter la Fiac 2019. L’article est très complet et ouvre à chacun des pistes de réflexion et de recherche. Merci aussi pour les photos. À travers ta sélection, pour moi cette édition 2019 est marquée par une emphase sur la matière, le geste et la couleur.
Commentaire de Andoche Praudel | 30.03.2020
Merci BERNARD, c'est vrai que nous manquons souvent de curiosité, hélas
Commentaire de Parisi | 30.03.2020
Ne te décourage pas Bernard. CIAO Salvatore Parisi Nice CIAO CORDIALEMENT