Benoît BLANC
Céramiste 1949-2014
Le métier de céramiste m'a envoûté lors d'une rencontre à Vaison la Romaine avec Benoît Blanc,le 3 juillet 1973.
Issu du bassin sidérurgique lorrain après une formation en mécanique générale, pratiquant l'usinage des métaux en usine à ce moment là, je voyageais depuis plus d'un an entre la France, l'Italie et l'Allemagne. Guitare, sac à dos et sac de couchage, me déplaçant en stop, très pratiqué après Mai 68 dans la mouvance de la Jack Kerouac School, tout en pratiquant des métiers saisonniers, l'hiver à Val d'Isère, l'été en cueillettes de fruits, je dormais à la belle étoile.
Lors de cette école buissonnière, je demandais à Benoît situé en face du théâtre romain ( en terroir vinicole et agricole ) s'il avait besoin, d'un apprenti dans cet atelier nommé Mas des Arts ouvert depuis plus d'un an avec son épouse dans une ancienne magnanerie. S'appliquant, s'attelant à l'art de la terre cuite, il fut formé précédemment à l'école supérieure des métiers d'art Met de Penninghen rue du Dragon Paris, préférée à Camondo. Déjà peintre, dans son lieu de recherches, il savait déjà dans quelle direction orienter le but de sa passion concrétisée dans les grès de hautes températures 1280°C. Cela représentait le St Graal à cette époque.
Très attiré par l'aventure du Bauhaus (Berlin 1919-1933), il créa une ligne utilitaire très dépouillée, en designer qu'il était, habillée d'émaux noir tenmoku, rouge de cuivre, cendres de vignes, bleu cobalt, céladon, fourrures de lièvre, ainsi que des recettes de sa composition appliquées sur une collection de terre de St Amand en Puisaye fortement pyritée ou pas, en cuisson de réduction 1280°C, typique des tendances seventies . Proche de Mohy et Deblander sans savoir qu'ils existaient, cela ne l'empêcha pas de réaliser des pièces uniques de formes, sculptures signées, les revues spécialisées du métier rares et internet n'existant pas il suivit son instinct. Dans le tourbillon d'après 68 tous les métiers manuels furent redécouverts (après réflexion et proposition autarcique) dans la mouvance du retour à la terre, à la nature, à l'écart de la société de consommation initiée par l'américain poète, essayiste, philosophe Henry David Thoreau 1817-1862, en sorte de désobéissance civile traduite dans un métier. Gandhi et Martin Luther King s'inspirèrent de ses écrits. Beaucoup d'artistes actuels reconnus sont issus de cette mouture, ce levain.
Je fus à bonne école dans cet atelier pendant 4 ans tout en y ayant rencontré en 1974 Paul Badié, qui y proposa ses services de tourneur-façonnier expérimenté, venant de Vallauris, collègue de Pierre Bayle autre tourneur-façonnier émérite de Castelnaudary (même diplôme, même session) devenus chacun une référence dans leur propre discipline de tournage et d'émaillage. Pour Benoît, cette immersion dura jusqu'en1976, car il comprit très vite de par son éminente formation les limitesdu métier d'artisan, fut ce t-il l'artisanat d'art pour se tourner vers l'architecture. Décidant d'exercer de nouveaux talents c'est ainsi qu'il décida de se tourner vers cette nouvelle voie en ouvrant un bureau à Vaison la Romaine puis plus tard en Avignon. Son père Pierre Blanc continua la production signée jusqu'en 1977 assisté par Jean Luc Alloneau, céramiste installé actuellement à l'orée de l'Ardèche, à 6 km au sud- ouest de Montélimar, à Viviers.
De mon côté, stagiaire en 1977 au symposium international de La Borne (18 Cher) Alain Girel me remit le pied à l'étrier muni d'une bourse de l'état, (1an SEMA) je me perfectionnais chez Paul Badié maître de stage à Tourrettes sur Loup (06 AM) pour reprendre son atelier de 1980 à 1995.Paul parti attiré par Seattle aux USA s'installant auparavant dans la baie de Quiberon.Pour avoir tutoyé ces compagnons, j'ai pu rapidement décanter les influences guidant ma voie.
Récemment, j'ai hérité de 7 cartons garnis d'œuvres céramiques signées, représentantes en pièces uniques des recherches de l'artiste vaisonnais, offerts par sa famille à la suite de sa disparition causée par une longue maladie.
C'est la céramique qui m'a choisi.
C'est Pas l'enfer, c'est pas l'paradis
Enfin presque, c'est ma vie, c'est ma vie !
Ces femmes et hommes, lors de mes trajets et pérégrinations ont su me donner en héritage, une transmission.
Ce billet est un hommage à cet homme , Benoît Blanc qui à 27 ans avec mon assistance avait déjà beaucoup dit dans cet art du feu.
Salvatore PARISI