Galerie Lœvenbruck

Tribune de pouty@sonadresse.com | 21.01.2018

Engourdis dans la grisaille d'un matin d'hiver, nous n'arrivions à la Galerie Lœvenbruck.que vers 13 heure.

Très bel espace vide ,délicatement chaleureux grâce à un papier peint mural rose , étoilé.
Séduite par l'atmosphère, je pensais que cela serait une bonne idée pour la chambre de notre
toute nouvelle petite fille....bien vite je me mépris de cette idée imaginant la réponse de notre belle-fille,
que nous adorons, Ah! non pas du rose pour une fille!....
C'est dire,par cette dérive de coquetterie, combien en pénétrant ce lieu de l'art je ressentis chaleur et bienveillance
après avoir traversé difficilement un Saint Germain des Prés fébrile aux activités saisonnières des grands salons.
 
Bien vite j'oubliais ma rêverie "ménagère" et identifiais, parsemés dans ce cocooning quelques "trucs" bien connus !
>>  l'amoncellement
>>  la Répétition
>>  le Mot de Passe ou Attrape Cœur ( dixit pouty )
 
L'Amoncellement nous déborde, nous englouti, nous séduit par ses excès.
La Répétition est musicale, le rythme vient à nous, entraîne notre corps, nous déborde
Le Mot de Passe,  par qui tous les discours sont possibles parce qu'il donne un nom,
premier lien entre l'artiste est ses "regardeurs".
 
Voici trois trucs parmi beaucoup d'autres qui ont donné et donneront encore des chefs d'œuvre, mais en ART,
appliquer la règle ne suffit pas.
A propos, ici le mot de passe ou attrape cœur est :le Pot ( en terre est accessoire j'en conviens) objet banal du quotidien de tous.
Défoncés, coupés, "siamoirisés"  , enluminés de coulures  colorées anarchiques. Une partition à 4 mains nous dit on, Morgane Tschiember et 
John M Armleder
Blasphémer le pot, c'est blasphémer le chaud, le protecteur, le ventre maternel, l'institution.....
Bavardage possible parmi tant d'autres pour qui connaît l'usage du verbe devant ces nombreux petits orphelins de BARCELLO et de bien d'autres.
 
Quelle chance que la paresse nous ait épargné le discours assurément pertinent des auteurs, qui par
ailleurs montrent dans des livres une autre dimension de leur parcours....à découvrir peut-être ?
Alors opportunisme  sans magie ! je le crois. 
 
Pouty
 
 
Vol au dessus d'un nid de coucous
 
Le nid de coucou comme métaphore de l’usurpation du domaine des autres, trompés, spoliés, expropriés, pillés, assujettis...
Pour renouveler son offre versatile, le marché de l’art contemporain ainsi tente aujourd’hui une mainmise sur le domaine d’excellence des 
potiers /céramistes.
Ingérence d’autant plus aisée que ceux-ci semblent, aux yeux des tenants de ce marché, n’être que de pauvres artisans arrièrés, pataugeant dans la
glaise des campagnes les plus reculées, au fond de leur four Anagama.
Ravalés au rang d’intouchables, on saura les mettre au pas, utiliser leur rétrograde savoir-faire au profit de prestigieuses galeries d’art mettant en scène 
leurs pièces proposées à des prix astronomiques, sans qu’il soit jamais fait mention d’eux que comme de simples manœuvres exécutants, les folkloriques 
«brown potters». 
 
Et puisque «toute forme d’objet peut devenir artistique si le monde de l’art contemporain nous le présente comme tel, à travers la rhétorique du marketing 
culturel à coups de textes, de théories et de publicité*» pourquoi pas d’insignifiantes céramiques ? 
  
Les habiles discours de séduisantes et séduisants artistes, valorisant la sécurisante banalité de leur narcissisme, se substituent enfin aux hésitants
balbutiements d’ermites en quête d’improbable et inquiétante transcendance.
 
Transformons l’argile en or !
 
Christian A.
 
 
*Alain Troyas et Valérie Arrault, Du narcissisme de l’art contemporain, L’échappée, 2017 

Les commentaires

Commentaire de Bernard Bachelier | 2018-01-23 11:54

A propos d’Armleder et Tschiember chez Loevenbruck, chic, un débat. On aime les débats au Club. Je ne partage pas les points de vue de cette tribune mais comme l'intérêt de l'art contemporain pour la céramique est une des phénomènes actuels, et que je crois que c’est une chance pour la céramique, voilà une occasion de s'expliquer. Non, cher Christian, ce n'est pas une mainmise, un "nid de coucou" , une usurpation. C'est la découverte d'un matériau et d'un processus de production dont les artistes découvrent la richesse, le potentiel, ce qui les différencie de leur médium habituel. Il n'y a là aucun mépris pour les potiers. Je n’ai entendu aucun des acteurs de ce projet, les traiter de « pauvres artisans arriérés », ni même le donner à penser. En revanche, les potiers n’ont pas le monopole du travail de la terre et je suis toujours stupéfait de découvrir les attitudes de rejet venant du monde de la céramique d’ateliers, des potiers et de leurs amis. Pourquoi toujours ce procès en illégitimité faits aux artistes lorsqu’ils touchent la terre et aux galeries lorsqu’elles les exposent ? La curiosité des artistes, (on dirait des plasticiens mais le mot contient déjà une critique pour vous sans doute), qui a pris naissance dès le début du 20e siècle, pour tous les matériaux, le verre, le béton, le tissu, le fer… et la céramique, connaît une ampleur nouvelle. C’est la pratique de presque tous les jeunes sculpteurs. Parmi ces expériences, ils découvrent les spécificités de la terre. Doit-on le leur interdire ? Ils lui apportent aussi une liberté nouvelle. Ils l’enrichisse. Doit on s’en priver ?

L’autre aspect de la tribune porte sur l’exposition elle même. Elle serait du « bavardage » et « blasphémerait le pôt ». Et nous serions mis en condition par le discours. Cette exposition, chère Pouty, n’est ni un amoncellement, ni une répétition et on peut l’apprécier sans discours. Ce que j’ai fait d’ailleurs, la première fois que je l’ai découverte. La scénographie est aérée, rythmée, ouverte au regard et à l’approche progressive. Elle est limpide et met en valeur les objets. A propos, le papier peint a, en effet, été choisi par les artistes ( on n’a pas besoin de le savoir) mais on ne s’en étonne pas car John Armleder intègre depuis longtemps les objets décoratifs et le mobilier dans son œuvre ( tiens cela pourrait lui donner des atouts pour s’approprier la céramique…). Mais surtout ce qui compte c’est le pouvoir expressif ces œuvres. Ce pouvoir expressif, c’est à dire cette capacité à nous toucher, à nous faire réfléchir, à capter notre attention existe. Ce n’est pas du chiqué. Oui les artistes sont bien partis de pots mais ils les ont transfigurés, par les déformations et les partis pris d’émaillage très réfléchis et très construits. Ce qui fait leur force, c’est justement ce qui les distingue de simples pots. Je suis sur que si on les plaçait anonymement sur un marché de potiers, on ne verrait qu’eux. Ils sont autres et l’art est dans cet écart.

Enfin le discours, éternel reproche à l’art contemporain. Le discours n’empêche pas la sensibilité. On peut éprouver beaucoup d’émotion devant un tableau de Poussin mais si on connaît la mythologie ou la Bible, on y voit autre chose. En l’occurrence, les informations sur la genèse de ce projet nous donnent quelques éclaircissements intéressants. D’abord, les formes proviennent de moules des ateliers de Nové, centre historique de la céramique italienne, de Vénétie plus précisément. Il a fallu aller les chercher, les sauver peut-être car Nové est en déclin, et les choisir. En tout cas, c’est la volonté de s’enraciner dans la tradition potière. C’est la volonté de recueillir les acquis de générations de potiers. Ensuite, Morgane Tschiember est partie de l’art ancestral Shibari qu’elle a découvert au Japon d’où les cordes et les liens. Elle exploite une des spécificités de la céramique qui est de garder les traces de fabrication. La céramique est un matériau du temps, pas seulement du volume, mais aussi du temps. Et là nous avons un bel exemple de la relation au temps. Il faudrait tout raconter. Dans la limite de ce commentaire, encore un détail. Les émaux n’ont pas été choisis au hasard. Les artistes ont étalé la palette sur une table et ont retenu une gamme qui correspondait à ce qu’ils voulaient dire. Les émaux ne sont pas appliqués n’importe comment. C’est la peinture et Armleder, l’artiste Néo Géo que l’on retrouve ici, mais déployée dans l’espace.

Merci de m’avoir donné l’occasion de m’expliquer. Continuons. Bernard Bachelier

Commentaire de PARISI Salvatore | 2018-01-25 10:22

Depuis la crise du marché de l'art des années 90, beaucoup de plasticiens se sont tournés vers la céramique car le résultat est plus immédiat et beaucoup moins cher pour réaliser leurs œuvres auparavant traduites en bronze ou en marbre qui faisait encore la faveur des collectionneurs et galeristes. Le bronze était soit disant devenu "ringard". Arp, Brancusi, Giacometti pourtant leurs sculptures restent belles.
Ensuite comme le goût et la réflexion envers ce passé artistique contemporain fut en recul, beaucoup on cru renouveler l'expression artistique par la pratique des arts du feu, la céramique ou le verre. Plus de couleurs et de mouvements dans ces matériaux immédiats, car les patines bronzes restent limitées etc etc, en plus il y a un parallèle avec l'éditions de séries possibles dans ces domaines pour satisfaire une demande et un marché.
Ce n'est pas le matériau qui fait l'art et l'art et l'artiste. Art et Écart. Donc déjà à l'époque le débat était le même concernant le contenu de l'œuvre et il continue aujourd'hui. Ces artistes utilisaient le bronze, le verre ou le marbre comme un support commercial sans être du métier, en utilisant des praticiens traditionnels à Carrare, Pietra Santa et Murano souvent juste en leur donnant une maquette et la faisant réaliser par d'autres "man-ouvriers" tout en restant eux-mêmes dans leur Tour d'Ivoire.
Donc il ne faut pas se voiler la face, l'attrait des artistes pour la céramique vient au départ d'une chute du marché de l'art.
Ensuite dans le lot certains (es) réalisent leurs œuvres avec plus ou moins de talent.
Je trouve l'expression intéressante, "viol au dessus d'un nid de coucou". Au dessus d'un nid de cocus ... dindons de la farce.

Quand les artistes travaillaient à Pietra Santa ou Carrare ils ne considéraient pas le bronze ou le marbre comme un art à part entière, juste un élément de reproduction en série éventuelle.
Pour la céramique je me demande s'ils n'arrivent pas en touristes, comme un complément opportuniste à leur marché ?

Céramicalement vôtre ... Salvatore Parisi Nice le 25 janvier 2018

Commentaire de Meynet | 2018-01-25 16:18

Heureux d’etre à Lyon...on peut faire des commentaires avant d’avoir vu l’expo !!! Mais on ira les voir ces fameux pots dont Bernard dit que s’ils étaient sur un marché de potier on ne verrait qu’eux ( fin du second alinéa). Tout ça pour dire en bon français que sur les marchés on trouve des pots et dans les galeries on trouve de l’art. C’est vigoureusement simplifié mais c’est bien ce qu’on sait tous depuis que ce sympathique Duchamp a exposé une œuvre en porcelaine blanche à usage hygiénique dans un lieu fabricant de l’art. L’art contemporain dans une économie de marché est littéralement fabriqué par les galeriste tout comme il était fabriqué par des fonctionnaires dans cette chère vieille URSS . Dans les cours d’histpire de l’art on apprend que les artistes n’existent pas depuis bien longtemps, avant il n’y avait que des artisans plus ou moins doués, par exemple Bernard Palissy ou Masseot Abaquesne pour les carreaux de pavement, du pur utilitaire...Pour en revenir à notre duo qui transforme les pots en œuvres d’art, avec au moins le concours actif du mode de commercialisation pour ne pas faire trop polémique, je serais assez d’accord avec M. Parisi en ce qui concerne l’opportunisme. Ce n’est pas à mon sens un péché absolument mortel, saisir une opportunité est parfois très positif dès lors que ça ne porte pas préjudice à autrui et c’est là que gît la difficulté, laisser croire qu’il n’est de bon art que dans les galeries, c’est de facto prendre le risque de dévaloriser le reste et d’abord tous les pots non déformés. En fait comme tout cela continue à me rendre perplexe, je persiste à collectionner des pots bien formés mais aussi des pots bizarrement formés et des choses pas vraiment formées dont je tairais les auteurs...vive la diversité !!!

Commentaire de Christian André | 2018-01-25 20:41

Qu' il est réjouissant de constater la diversité infinie de regards offrant à chacun un
rapport unique avec l'objet contemplé !
Amoncellement, répétition, référents détournés.....qu'importe les clefs d'entrée, quand la Magie n'est pas au rendez-vous.
Pourquoi aurai-je à subir des tirades de références, d'intentions, de fantasmes dont je serai (relativement) captive ?
La vertu essentielle de l'art est d'offrir un champ de liberté intérieur.
Puisque cette exposition d'Armleder et Tschiember ne me touche pas, quelle serait la nécessite d'aller quêter les sources de sa genèse ?
"Le pouvoir expressif de ces œuvres....sa capacité à nous faire réfléchir...." félicitations cher Bernard, pour l'enthousiasme !
Il va de soi que, "le discours n'empêche pas la sensibilité ".
En regard d'une œuvre qui interpelle, séduit, je suis heureuse de comprendre les méandres d'un parcours créatif
qui enracinent mes émotions dans un acquis partagé.
Dans la richesse des propositions faites et la diversité des langages..... il faut se protéger !
Nos choix sont constitutifs de notre être.

Pouty

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Face à face

Après tout qu’importent approches conceptuelles, savoir-faire traditionnels,
paradigme de l’art contemporain, articles de foi tonitruants ou silence monacal, minimalisme, sensualité sublimée, incompréhension réprobatrice, blessures narcissiques, esthétique de la banalité, collapsus brutal ou renaissance d’un medium sous-estimé, pratique périphérique ou mainstream, marketing culturel, frustres objets manufacturés ou pièce unique sophistiquée , japonisme, lâcher prise, tatonnement expérimental, grès austère, porcelaine diaphane, céramiste adulé, inconnu ou perdu de vue...
seul subsiste le face à face.

De moi à lui, cet artefact porte ou non, du sens, des sensations, des affinités, des réminiscences éphémères ou durables.
Y être réceptifs dans l’atelier, sur un marché de potiers, dans une galerie ou une salle des ventes, est l’unique objectif de la recherche.
«Parce que c’était lui, parce que c’était moi».

Christian A.
Un grand merci pour les commentaires éclairants de Bernard, Salvatore et Michel

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